« Verre,
lumière, mystère » de Jacques Guitton.
Le
peintre et maître verrier français Jacques Guitton expose au
CCF, jusqu’au 31 décembre, un ensemble d’œuvres originales
et uniques, d’une grande créativité, où le verre se marie à
divers matériaux pour créer de nouvelles sensibilités. Le résultat,
étonnant, vaut le déplacement.
Peintre
de formation, Jacques Guitton ne sait travailler que sur de
grandes superficies. Les formats réduits «timbres-poste »,
très peu pour lui.
Alors
que cela fait une quinzaine d’années qu’il peint, il découvre
par hasard, dans un petit village en France, un atelier de
restauration de vitrail. Là, un vieil artisan lui montre des
feuilles de verre, de vieux panneaux et des maquettes. « J’ai
pensé qu"en tant que peintre monumental, cette technique me
conviendrait parfaitement », indique-t-il, «car si on
me proposait un jour une église pour chantier, je me sentirai
parfaitement à l"aise ». Il se met alors à la quête
d’un professeur, «afin d"apprendre le geste qui puisse
réaliser les idées que j’ai dans la tête », explique-t-il.
Sacré
et profane
En
France comme au Liban, Jacques Guitton a réalisé les vitraux de
plusieurs églises. Après Bkerké et l’église de la congrégation
des Saints-Cœurs de Jésus et Marie à Bickfaya, il travaille
actuellement sur la future cathédrale Saint-Nicolas. Mais en
plus du vitrail sacré, Guitton s’intéresse aujourd’hui au
vitrail profane qu’il utilise comme support et médium dans ses
créations plastiques.
Coté
profane, il en est déjà à sa deuxième installation, organisée
en collaboration le directeur du CCF M. Jean-Claude Voisin. L’an
dernier, une première exposition du genre avait été montée à
Montreux en Suisse.
Mais
comment est-il arrivé à ce genre de créations ?
« Cela
fait six ans que je fais des recherches », répond-t-il. « J’aime
réfléchir sur mon travail. A l’époque, j"avais
inventé le vitrail en relief, qui demande une technique spéciale »,
poursuit-il. « Et comme je fais des tableaux, j’ai pensé
qu’il serait intéressant de voir le vitrail en tant que
tableau. Là, le vitrail n’est plus une fenêtre traversée par
la lumière. Il ne vit plus grâce à la lumière qui me traverse ;
il est frappé par la lumière, comme une toile ou une mosaïque ».
La
recréation
Lorsqu’on
peint une toile ou que l’on crée une mosaïque, on voit tout
de suite le coup de pinceau ou le résultat de la tesselle que l’on
pose, «pour le verre, on travaille presque en aveugle puisqu"on
ne voit le résultat qu’une fois le vitrail posé »,
souligne Guitton. « Vous ne pouvez pas vous imaginer tout ce
qu’il faut prendre en ligne de compte pour créer un mètre
carré de vitrail », insiste-il.
Au
CCF, à l’impression de maîtrise et de savoir-faire qui se dégage
de l’installation de Guitton s’ajoute un petit air de fête.
On sent que l’artiste s’amuse, qu’il se laisse aller au gré
de ses fantaisies.
Des
photos de feuilles d’arbres, un crâne, des silhouettes en fer
forge portant chapeau, un paravent en métal orne de ronds de
verre à la couleur changeante du cuivre, du papier gaufré, de l’acrylique...
« Il
y a forcément du jeu », admet Guitton. « Pour moi, le
sommet de la pyramide est l"art sacré. Alors, quand je fais
du profane, c’est la recréation. Je me sens libre »,
ajoute-il. « Je n’ai pas la responsabilité que j "ai
lorsque je travaille sur un vitrail qui pourrait rester mille ans
dans une église ».
Quant
au choix des matériaux, Jacques Guitton explique qu’ «il
n’y a pas de critères. Je ramasse souvent des objets qui traînent
dans la nature, ou j’en achète dans les boutiques, simplement
parce qu’ils interpellent, sans avoir de projet précis. Je les
garde, parfois des années, et puis un jour, je les utilise ».
Selon
lui, c’est toujours un concours de circonstances qui fait qu’une
œuvre prend vie. « Il y a aussi les feuilles de verre que j"achète
pour me faire plaisir, lorsque je vais chez mon fournisseur »,
ajoute-il. Des verres qu’il garde dans son atelier, et qu’il
ressort un jour, au besoin.
Quand
l’inspiration devient criante.
Natacha
Sikias.
ORIENT - LE JOUR
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